Parcours d’une femme dans la tech

Véronique Bergeot est la co-fondatrice de Social Moov, startup qui s’est revendue 21 millions d’euros à Marin Software. Elle a vécu le parcours dont rêvent les entrepreneurs, de la startup au rachat par un grand groupe américain. Aujourd’hui elle vient  partager son expérience de femme entrepreneure et ses conseils pour se préserver.

Jeudi 17 décembre dernier, le Bivouac vous proposait un webinaire avec Véronique Bergeot, co-fondatrice de Social Moov (revendu 21M€) et de My burn out, et animé par Deborah Loye, CEO du collectif Sista qui soutient l’ambition des femmes dans l’économie numérique.

Un parcours d’entrepreneure atypique

Parce qu’elles sont moins nombreuses et sans doute plus discrètes, on parle peu des femmes entrepreneures dans la tech. Voilà pourquoi le parcours de Véronique Bergeot semble atypique. Elle a créé en 2011 avec son conjoint, Social Moov, une société spécialisée dans l’advertising sur les réseaux sociaux, qu’ils ont revendu 21 millions d’euros au grand groupe américain Marin Software.

On trouve peu de femmes dans l’écosystème des startups et c’est pourtant parce qu’elle est une femme que Véronique a voulu créer son entreprise. Car elle était confrontée à un plafond de verre dans les groupes où elle travaillait : quand on est jeune et que l’on veut avoir une vie de famille, les beaux postes vous passent sous le nez. Alors en même temps qu’elle donne naissance à sa première fille, Véronique crée Social Moov, une plateforme qui optimise les campagnes de pub sur Facebook et Twitter. Un ovni à l’époque.

Si le projet répond à ses ambitions, il ne va pas vraiment lui laisser du temps libre car quand on entreprend, c’est 24/24h et 7/7 j. Le lancement de Social Moov est exigeant. En 2011, elle doit convaincre les agences média que Facebook n’est pas qu’un réseau pour les ados, mais une véritable opportunité pour l’advertising. Comme le dit Véronique, Social Moov est en avance sur son temps et ce serait une des raisons de la très belle réussite de la startup.

À la naissance de sa deuxième fille, elle se lance dans la revente de sa startup qui compte alors 40 salariés. Pour réussir ce bel exit, elle recommande l’accompagnement par des banques d’affaires. Quatre ans seulement après son lancement, la société était au top, les fondateurs le savaient. Ils souhaitaient voir le projet se développer, mais avaient conscience de ne plus avoir les moyens nécessaires pour poursuivre ce développement, notamment à l’international.

L’un des conseils de Véronique pour ne pas crasher sa startup est notamment d’y aller étape par étape. Les débuts sont souvent plein d’envie et de passion, et c’est pourquoi il faut savoir conserver ce qu’elle appelle « le bon sens paysan », et savoir prendre du recul.

La complémentarité homme / femme dans l’entrepreneuriat 

En ce sens, pour Véronique, les femmes présentent l’avantage d’être souvent plus prudentes, à l’inverse des hommes qui peuvent être plus fonceurs. Cette prudence peut malgré tout se révéler être un frein, comme le souligne Déborah Loye, CEO de SISTA, collectif qui encourage l’entrepreneuriat au féminin. Cette prudence n’est pas toujours appréciée des investisseurs, qui reprochent souvent aux femmes leur manque d’ambition, leur business plan trop prudent.

Pourtant pour Véronique, avoir un binôme de fondateurs homme / femme se révèle être une véritable force, en associant l’écoute et la rondeur de la femme, au pragmatisme et au côté « straight to the point » de l’homme. Ces différences sont de vrais atouts, très complémentaires. Et que l’on soit homme ou femme, il est très bénéfique d’avoir un partenaire de travail à l’écoute, un soutien en cas de doute. Ce type de binôme est trop faiblement valorisé aujourd’hui.

Dans cette optique, Déborah nous rappelle les chiffres du rapport Atomico – State of European Tech qui relève qu’en France 9% des fonds sont investis dans des équipes mixtes, 5% dans des équipes fondatrices féminines, le reste dans des équipes fondatrices masculines. Trouver une co-fondatrice peut être un très bon moyen d’apporter de la mixité dans l’entrepreneuriat.

Néanmoins, le fait d’être un couple dans la vie peut être un frein pour les fonds d’investissements, Véronique en a fait l’expérience. Monter une société ensemble, c’est comme un mariage, et il n’y a pas de pause réelle dans le travail. Pour les investisseurs, un couple représente une unité au milieu de laquelle il est difficile de pénétrer, ce qui en rend plus d’un frileux.

L’entrepreneuriat au féminin

Pour soutenir l’entrepreneuriat au féminin, Déborah nous présente SISTA, collectif créé il y a 2 ans par des femmes entrepreneures, qui dresse un état des lieux des femmes dans la tech. Leur rapport met en avant les difficultés d’investissement que rencontrent les femmes entrepreneures aujourd’hui. Pour encourager l’ambition des femmes, le collectif a rédigé une  charte, dont le Bivouac est signataire.

Cette charte engage les signataires à investir dans 25% de femmes entrepreneures d’ici 2025 et 30% d’ici 2030. L’objectif est de continuer à féminiser et favoriser cet entrepreneuriat, avec des accompagnements de fonds, des clubs dédiés…

Un engagement et un réseau qui sont à développer, car souvent sources de discussions très intéressantes pour Véronique et sources de soutien contre la solitude de l’entrepreneur.e.s. Dans ces réseaux de femmes entrepreneures, on parle souvent plus facilement de ses émotions, de ses difficultés, en comparaison des réseaux plus masculins traitant plus du « comment développer le business ». Il faut les deux pour avoir un bon réseau et avoir un équilibre pour les entrepreneurs.

L’expérience du burn-out

Véronique a aussi expérimenté l’envers du décor : la montée du stress, le fait de ne pas s’avoir s’écouter quand on est pris dans la spirale du travail, l’envie de recréer une boîte immédiatement. Autant de conditions qui l’ont menée au burn-out.

Aujourd’hui, de nombreux.ses entrepreneur.e.s qui ont réussi remontent vite des boîtes, parfois pour de mauvaises raisons (souvent le besoin de continuer sur cette réussite, l’incapacité à savoir s’arrêter), et se retrouvent pris dans cette spirale.

L’écosystème a tendance à survaloriser la productivité : on a la sensation de devoir obligatoirement travailler 18h par jour pour réussir, de devoir nier le stress qui s’accumule. Ainsi on parle du “miracle morning”, l’idée de se lever une heure plus tôt pour pouvoir prendre soin de soi. On se met souvent une grosse pression, liée à notre bien-être. Il est difficile de ne pas y céder, au vu de toutes les injonctions extérieures que l’on subit.

Ce sont bien souvent ces tendances qui entraînent le burn-out. Véronique rappelle que le burn-out est un phénomène physiologique, qui implique l’arrêt de la production de cortisol par le corps. La chute de cette hormone nous vide de notre énergie, comme pour casser le cercle vicieux qui nous a conduit à en faire toujours plus. Quand on en arrive à cette bascule, il faut un an, voire plusieurs années, pour remettre le corps d’aplomb.

« Le mental est un esclave qui se prend pour le maître »

Après un risque d’AVC, Véronique a décidé de se mettre à la sophrologie et aide aujourd’hui les entrepreneurs à mieux s’écouter, à prendre un recul nécessaire. Comme elle le dit si bien, l’entrepreneuriat n’est pas un sprint mais un marathon. Les symptômes de respiration en apnée, d’accumulation du stress, le déni de cette situation sont à surveiller pour ne pas franchir la ligne rouge. Les retours des personnes extérieures sont à écouter précieusement.

Véronique revient également sur l’importance du sommeil pour la santé et la productivité. Enlever une demi-heure de sommeil par jour diminue l’espérance de vie de 10 ans. Il faut se créer des moments, des pratiques dans la journée pour réduire la charge, et il est souvent nécessaire de se reconnecter à son corps et à ses sensations pour ne pas fonctionner en mode survie. Les meilleures solutions pour éviter l’accumulation de stress sont bien souvent de passer de bons moments avec des personnes extérieures, d’apprendre à bien respirer avec l’abdomen. Ce n’est pas le moment de se lancer dans le sport, en visant de grands exploits au risque d’épuiser les réserves qui nous restent.

Les astuces de Véronique pour mieux s’écouter ?

  • Bien respirer de façon consciente
  • Faire des lectures du corps et relâcher ses muscles
  • Ecouter son entourage
  • Savoir se changer les idées
  • Faire de la sophrologie ?
  • Lancer la mode de l’équilibre entre productivité et bien-être de l’entrepreneur.e
  • Aller voir son site My burn out pour des informations complémentaires pour éviter de tirer sur la corde !

Nous remercions Véronique pour son intervention, son expérience et ses précieux conseils, son discours sans fard sur l’entrepreneuriat et ses possibles effets nocifs également. Et nous remercions Déborah Loye pour son animation et son témoignage avec Sista, un collectif à suivre !

Vous souhaitez (re)voir notre entretien avec Véronique et Déborah, cliquez sur le bouton ci-dessous !

 

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