Remettre l’humain au coeur de la levée de fonds

Marion Chanéac est Partner chez CapHorn Invest, un fonds de capital-risque qui gère plus de 180 M€ et réunit un réseau de 250 investisseurs. Son passé lui confère une double casquette : financière, avec une première expérience chez PwC et entrepreneuriale, avec la création d’une société de Wifi Analytics, SmartFlows. C’est de son expérience qu’elle est venue parler au Bivouac

Mardi 23 février dernier, nous vous proposions un nouveau webinaire avec Marion, venue nous expliquer sa manière d’accompagner et conseiller au mieux les entreprises qu’elle accompagne avec CapHorn, avec une volonté forte de remettre l’humain au coeur de la levée de fonds, et l’envie d’aider ses porteurs de projets à développer leur innovation dans les meilleures conditions. 

Un échange à coeur ouvert et en collaboration avec Digital League, le cluster du numérique en Auvergne-Rhône-Alpes.

Un parcours atypique riche en expériences

Marion a toujours privilégié la pratique à la théorie et c’est pourquoi elle a choisi, après avoir fait ses premières armes professionnelles, de se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat en co-fondant la société SmartFlows. Son but était de suivre les ondes wifi des téléphones portables des personnes pour les localiser dans des espaces définis, pour renseigner ensuite les demandeurs sur ce que faisaient leurs clients dans ces espaces, afin d’optimiser leur marketing et merchandising. En tant qu’entrepreneure, Marion a ainsi expérimenté la nécessité d’être multi-casquette afin de faire fonctionner son entreprise, s’occuper aussi bien du développement du produit que de sa commercialisation, du recrutement, etc.

Suite à un désalignement de vision avec son co-fondateur, Marion a décidé de passer de l’autre côté de la table, grâce à une opportunité proposée par CapHorn, qui souhaitait à l’origine investir dans SmartFlows. Son expérience double de la finance et de l’entrepreneuriat représente un atout non négligeable pour l’accompagnement des projets et cette opportunité représentait pour elle la suite logique dans son parcours.

Marion est ainsi devenue investisseure chez CapHorn, un métier qui l’a attiré pour les valeurs portées par le fonds.

L’équipe de CapHorn met l’accent sur le collectif et l’expérience de chacun pour accompagner les projets, et a aussi comme promesse d’aider les entrepreneur.e.s à lever les freins de leur croissance grâce à leur réseau de dirigeant.e.s. Une promesse à laquelle Marion ne croyait pas forcément au départ, mais qu’elle porte aujourd’hui avec beaucoup de conviction.

Le fonds investit surtout dans le B2B digital, principalement au stade de l’early-stage, avec un produit développé et un CA déjà bien dégagé. CapHorn investit au stade de l’accélération commercialisée pour être vraiment en mesure d’aider l’entreprise. Il s’agit souvent de co-investissement afin de fédérer les différents tours d’investissement, notamment avec des investisseur.e.s internationaux par la suite.

Investisseur : un métier de l’humain

Pour Marion, son métier d’investisseure, c’est rencontrer des entrepreneur.e.s pour sourcer le bon deal, et placer de façon fructueuse l’argent que les clients de CapHorn lui ont confié, analyser leurs dossiers, et surtout suivre ensuite l’investissement, majoritairement pendant 5 ou 7 ans jusqu’à la sortie. CapHorn reçoit environ 1500 dossiers par an, pour au bout du processus de sélection investir dans environ 5 à 6 entreprises. Il s’agit d’un parcours très sélectif, d’un funel qui permet en premier lieu de cibler ceux qui correspondent bien aux critères du fonds : B2B digital, early-stage, spécialiste de la vente grands comptes.

Le critère humain est primordial chez CapHorn et pour Marion. L’équipe doit être déjà solide et positionnée sur un marché pertinent, ce qui va être d’autant plus important par la suite. « Une bonne équipe avec un mauvais produit saura pivoter par la suite, alors qu’une mauvaise équipe ne pourra pas fonctionner sur le long terme quel que soit son produit. »

C’est pourquoi l’analyse des dossiers commence avant tout par celle de ce critère humain, avant même toute étude de business plan. L’analyse commence ainsi par un questionnaire portant sur la vision, l’ambition, la culture du feedback, la gestion des échecs pour mieux connaître l’entrepreneur, puis une rencontre en direct avec les rôles clés de l’entreprise pour comprendre leur fonctionnement, leurs complémentarités. Des entretiens bien souvent révélateurs de la capacité de l’entreprise à aller au bout de son ambition et à être portée par le fonds.

Une position également portée par Marie Ekeland au sujet du lancement du fonds 2050, qui indiquait à propos de l’investissement dans une entreprise qu’il s’agit d’un choix façonnant l’avenir : « lorsque vous mettez votre argent ici, vous ne suivez pas seulement le vent, vous le faites souffler. La vraie question est : dans quel monde voulez-vous vivre ? »

Un réseau d’investisseur.e.s-contributeur.e.s humain avant tout

CapHorn se définit comme un réseau de 250 chef.fe.s d’entreprises expérimenté.e.s avec un rôle de soutien à l’entrepreneur.e, en étant avec lui aussi dans les moments de doute ou les difficultés. Ils sont aussi là pour donner de leur temps, faire un transfert d’expérience, d’expertise, ce qui leur donne une rôle de contributeur majeur. Il s’agit d’une obligation d’engagement dans cette communauté qui fait partie des valeurs que porte CapHorn.

Marion met également en avant le fait que CapHorn soit engagé dans le collectif SISTA, avec une volonté de féminisation de l’entrepreneuriat ET de l’investissement et afin de favoriser l’engagement des femmes et la mixité.

Cette mixité a toujours été un problème majeur : sur un panel de 15 000 start-up étudiées par SISTA, seules 5% ont été fondées par une équipe 100% féminine et 10% par une équipe mixte. En décembre 2018 Tatiana Jama, une des fondatrices du collectif Sista, soulignait que l’accès aux fonds d’investissement était profondément inégalitaire. En France, les neufs plus gros fonds d’investissement français n’avaient investi que 2,6% des fonds levés dans des entreprises cofondées par des femmes sur les cinq dernières années. Pour atteindre ces « 10% des fonds déployés dans des start-up fondées par des femmes », le collectif Sista donne une première solution : « féminiser les équipes d’investissement ».

CapHorn s’est ainsi engagé à respecter un objectif de 30% de femmes dans les organes de gouvernance, et 40% dans les équipes. Le 3e objectif est celui d’atteindre 25% de femmes fondatrices ou co-fondatrices d’ici 2025 : un but plus difficile à atteindre malgré des offices hours dédiées aux femmes entrepreneures et autres événements ciblés mis en place par le fonds. Pour les investisseur.e.s de CapHorn, la priorité est surtout d’analyser un dossier de la même manière, qu’il soit porté par une femme ou par un homme.

Pour Marion, l’importance n’est pas tant de forcer la mixité dans l’entrepreneuriat que d’expliquer pourquoi. Il faut aller plus loin : pour la transformation des marchés, les impacts, la variété de vision et d’objectifs…

 Cet enjeu de mixité fait partie de la roadmap de CapHorn et de leurs critères ESG (Environnementaux – Sociaux – Gouvernance) qui vont être intégrés dans les pactes d’associés par exemple, au même titre que l’attention portée au partage de la valeur (pourcentage de BSPCE aux salariés), au turn-over et à la culture d’entreprise. La mixité est un des enjeux majeurs, mais ne doit pas être stigmatisée ni diminuer l’importance de critères environnementaux ou sociaux.

Lorsque CapHorn investit dans la société, ces critères sont mis au board ESG, puis un ou deux focus sont ainsi décidés avec CapHorn, afin de mettre en place des actions ciblées sans s’éparpiller, par exemple un objectif de mixité et de montée en compétences des salariés.

Il s’agit d’un choix important pour CapHorn qui a également constitué son réseau d’investisseur.e.s avec des personnes sensibles à ces critères avant tout. Comme le dit Marion,  ces investisseur.e.s ont pour objectif de soutenir des projets avec des impacts forts comme la mobilité douce, la e-santé pour comme le dit Marion « être en accord avec le monde que l’on souhaite créer demain ».

La levée de fonds, un parcours engageant qui se prépare

Pour finir cet échange, Marion rappelle que la levée de fonds n’est pas une fin en soi. S’engager dans une levée de fonds demande aussi un engagement très fort à passer rapidement en hypercroissance, un cercle à la fois vertueux mais qui peut ne pas correspondre à tous les modèles de société. De très belles histoires entrepreneuriales peuvent s’écrire sans passer par la levée de fonds.

Et si l’aventure vous tente, le partenaire financier doit avoir le même ADN que l’entrepreneur.e. Comme le dit Marion « choisir son VC, c’est comme un mariage » : le partenaire financier va vivre avec vous l’aventure pendant les 5 à 7 prochaines années, les bons comme les moments plus durs.

En résumé, à quoi prêter attention lors d’une demande à un fonds d’investissement :

  • Bien cibler le fonds auquel envoyer sa demande
  • Avoir une équipe solide
  • Avoir une adéquation produit/marché bien établie
  • Avoir une vision pour l’avenir et une ambition réfléchie
  • Avoir une croissance significative sur les 12 derniers mois

Nous remercions Marion pour son intervention, son expérience et ses précieux conseils, cet échange à coeur ouvert pour remettre l’humain au centre des enjeux financiers de l’innovation.

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